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LA MONTAGNE DE BELŒIL

Cirque de montagnes, plutôt que montagne unique, Belœil cache au fond de son cratère un petit lac tranquille et vierge, et qui n’a jamais cessé de refléter tout autour de son rivage, l’ombre gracieuse des hêtrières et des bouleaux d’argent.

Du lac, qui porte le nom célèbre d’Hertel de Rouville, un sentier large et bien battu conduit à travers bois à un sommet connu depuis un temps immémorial sous le nom de Pain-de-Sucre. Le sentier serpente d’abord doucement sous les hêtres, bordé à droite et à gauche des graciles colonnettes jaspées de l’érable de montagne et des grandes fleurs rouges de la ronce odorante. Ayant franchi un petit pont croulant jeté sur une source, le chemin aborde franchement la montée, plein d’égards toutefois pour les jarrets du piéton, évitant les rampes trop fortes par d’habiles lacets, constamment sous l’abri de la futaie claire. Cette ascension totale de quelque quinze cents pieds, l’art du voyer l’a tellement camouflée que l’on reste surpris quand, après un dernier raidillon, on voit la forêt s’arrêter court, et céder le pas à une broussaille d’aubépine et de dierville, enracinée dans les fissures du basalte. Encore quelques centaines de pieds et nous sautons sur la table de roc poli qui domine tout le massif et, disons-le tout de suite, toute la plaine laurentienne.