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CROQUIS LAURENTIENS

Quel éblouissement ! La montagne entière, la féerie des verts harmonisés des érables, des hêtres, des chênes et des bouleaux, et, au fond de la coupe, de l’écrin plutôt, l’opale mal taillée du lac Hertel. Sous nos yeux, comme sur la page ouverte d’un gigantesque atlas, toute une vaste portion de la Laurentie ! Nous embrassons d’un regard l’entrée du lac Champlain et la bouche du Richelieu, Saint-Hyacinthe et Montréal, l’éparpillement des villages et des hameaux depuis le fleuve jusqu’à la frontière américaine !

Comme une longue et brillante écharpe oubliée en travers du paysage, le Richelieu coupe en deux toute la contrée, bouillonne un peu vers Saint-Jean, s’élargit en lac à Chambly, passe à nos pieds en coulée d’argent et s’en va, portant bateaux et ponts, mirant les arbres, les chaumières et les clochers, vers la buée indécise qui marque l’emplacement de Sorel.

Deci delà, de grandes toisons noires, débris de la forêt primitive. Le reste est un immense échiquier où tous les tons du vert ont leurs casiers : vert jeune des avoines retardées, vert autre des blés, vert blanchissant du trèfle en fleur, vert poussiéreux du mil en épi. Et quand les chaleurs de l’été ont passé ces tendres nuances, tous les jaunes et tous les ors : ambre des prés fauchés, or pâle des chaumes ras, or maladif des