Page:Marie-Victorin - Récits laurentiens, 1919.djvu/90

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Avant que j’en eusse dit davantage, tante Phonsine commençait déjà d’un cœur expert son bon office de guérisseuse.

— T’as bien de la peine, hein ? mon Conrad !

J’éclatai en sanglots.

— Oui, ma tante, toute ma récolte est perdue ! Qui est-ce qui m’a joué ce tour-là ?

— C’est pas un tour, mon pauvre enfant, c’est un accident ! Je m’en vais te conter ça ; mais pleure pas ! Un grand garçon ! Mets ça au pied de la croix ! Notre-Seigneur a enduré bien plus que ça pour nous autres. Et Lui, il n’avait rien fait de mal, tandis que nous autres, on est tous méchants ! Pleure pas !

Tante Phonsine secoua son tablier dans le plat aux patates et continua :

— Baptiste Juneau est venu de bonne heure, à matin, chercher le lait pour la beurrerie. Comme Jean avait besoin d’aide pour affiler sa faux, Baptiste, — il est toujours innocent pareil ! — a laissé sa jument près du renchaussage. La jument, comme de raison — faut pas lui en vouloir, la pauvre bête ; elle a quasiment rien à manger cheux eux — la jument a avancé le cou, et en quatre bouchées, elle a tout jeté par terre. C’est un accident, vois-tu, c’est un accident ! Pleure pas ! Mets ça au pied de la croix !…