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les forçats du mariage

— C’est donc à son directeur qu’elle a écrit hier, pensa Étienne.

Mais une fois la jalousie en éveil, il suffit du moindre indice pour faire renaître le doute. Et tout maintenant était pour Étienne motif à soupçon : l’attitude embarrassée de Juliette, son regard plus concentré que d’habitude, et sa voix plus adoucie, plus câline, dans laquelle se devinait un effort.

Ce jour-là, elle fit une toilette très-simple, un peu sombre, d’une austérité affectée même. Elle portait une robe de poult de soie noire garnie de longs effilés, avec un vêtement semblable.

Comme la robe, son petit chapeau gris ne se distinguait que par la forme gracieuse, par une coupe élégante qui révélait le talent d’une bonne faiseuse. Un voile épais couvrait son visage ; mais à ce je ne sais quoi de nonchalant, de félin dans la démarche, on devinait une jolie femme, la femme habituée aux hommages.

Étienne remarqua que c’était la robe et le chapeau quelle mettait d’ordinaire pour sortir à pied. Et cependant elle venait de demander sa voiture.

— Sors-tu aujourd’hui ? dit-elle à son mari.

— Je ne le puis pas. Pourquoi cette question ?

— C’est que, si tu étais allé de mon côté, tu aurais pu m’accompagner un peu.

Étienne comprit qu’elle voulait prévenir un espionnage.