Page:Marie de France - Poésies, éd. Roquefort, I, 1820.djvu/509

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
493
LAI DE GRAELENT

lent répond avec modestie aux questions qui lui sont faites et ne dit pas un mot qui dépasse les règles de la bienséance. La reine fort embarrassée de cette réserve, n’ose se résoudre à faire l’aveu de ses sentiments. Enhardie par l’amour elle demande au chevalier s’il avoit une mie, car sans doute il aimoit et devoit être bien aimé. Non dame, je n’aime pas, parce que tenir les promesses d’amour n’est point une frivolité. Il doit être vertueux celui qui s’entremet d’aimer. Plus de cinq cents personnes parlent de ce tendre penchant, et toutes ignorent ce que c’est qu’un véritable attachement. C’est plutôt une rage, une folie ; c’est la paresse, la nonchalance, la fausseté, qui détruisent l’amour ; cette union exige la chasteté en pensées, en paroles, en actions. Si l’un des amants est fidèle, que l’autre soit faux et jaloux, leur liaison mal assortie ne peut être de longue durée. Le véritable amour, don du ciel, doit rester ignoré ; il doit se communiquer de corps en corps, de cœur en cœur, autrement il ne seroit d’au-