Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/101

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domestiques à son service ; il était couché dans un lit magnifique. Quelle différence donc de son ancienne condition à la vôtre, vous qui n’aviez pas même, quand vous étiez berger, le repos dont vous jouissez à présent, au lieu que lui n’a plus aucune des commodités qu’il avait dans le monde ! Ainsi, en quittant le siècle vous n’avez fait que changer la vie pénible que vous y meniez en une vie plus douce, tandis qu’il a passé d’une vie opulente et fastueuse en une vie de pénitence. » Le bon vieillard reconnut à ce récit l’injustice de son jugement précipité. Il avoua sa faute, et se retira en profitant d’un si bel exemple.

Un officier de l’empereur lui ayant apporté le testament qu’un de ses parents, de l’ordre des sénateurs, avait fait en sa faveur, sur lequel il lui laissait une très-riche succession, il voulut d’abord le déchirer afin qu’il n’en fût plus parlé ; mais l’officier se jeta à ses pieds et le pria de n’en rien faire, parce qu’il y allait de sa tête. Sur quoi saint Arsène lui dit : « Comment a-t-il pu me faire son héritier, n’étant mort que depuis peu, tandis que moi-même je suis mort depuis longtemps ? » Ainsi il le renvoya avec le testament, sans rien accepter de cet héritage.

Ce n’était pas une petite pénitence pour saint Arsène de vivre dans un si grand dépouillement de toutes choses, et de s’être réduit à une privation entière de toutes les commodités de la vie, après avoir joui à la cour de toutes celles que procure l’opulence. Mais ce grand saint, en quittant le monde, s’était attaché à se mortifier par tous les endroits sur lesquels il croyait avoir suivi la satisfaction de ses sens. Ainsi il mortifiait la démangeaison de paraître, si naturelle aux gens d’esprit, par la retraite rigoureuse et par le silence qu’il n’interrompait presque jamais. Il mortifiait l’amour des aises et des commodités du corps par le dénûment de tout, et cette pauvreté évangé-