Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/137

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bienheureux Jean, qui ne savait que céder, se laissa bientôt fléchir, et reprit avec douceur ses premières conférences.

Enfin le temps de l’accomplissement des prophéties d’Anastase et de Jean le Sabaïte, dont nous avons parlé, arriva. « Le bienheureux Jean, dit Daniel son historien, possédant toutes les vertus avec éminence par-dessus tous les autres, et étant également admiré de tous, ils le choisirent d’une commune voix, comme un nouveau Moïse, pour être leur conducteur dans la vie spirituelle. Ils l’établirent, malgré tous ses efforts et toute sa résistance, dans la charge de supérieur de Sinaï, et tirant cette lampe de dessous le boisseau qui l’avait tenue si longtemps cachée, la mirent sur le chandelier pour éclairer tous ceux qui étaient dans cette maison. »

Il avait passé quarante ans dans le désert, depuis la mort du bienheureux vieillard Martirius, sous lequel il s’était exercé pendant dix-neuf ans dans une humble obéissance ; ce qui, joint à seize ans qu’il avait lorsqu’il embrassa la vie religieuse, nous prouve qu’il en avait soixante-quinze lorsqu’il fut chargé du gouvernement des solitaires de Sinaï. Cet emploi était de conséquence, et ne pouvait être qu’un pesant fardeau pour lui dans un si grand âge ; mais Dieu, qui avait manifesté la grâce de sa vocation au jour de sa profession monastique par la prophétie de Stratége, voulut aussi confirmer par une merveille le choix qu’on avait fait de lui en qualité d’abbé, et montrer combien il lui était agréable.

Un second historien de sa Vie, religieux de Sinaï, et qui en parlait sans doute en témoin oculaire, raconte ainsi cet événement miraculeux : « Lors, dit-il, que saint Jean Climaque fut devenu notre supérieur et notre abbé, il vint un grand nombre d’hôtes dans le monastère, lesquels s’étant assis à table, on