Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/143

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vrage, en l’envoyant à l’abbé de Raïthe, qu’il n’a garde de le lui adresser dans l’intention de l’instruire, et qu’il ne l’a fait que pour les religieux que ce saint abbé avait sous sa direction, il y a joint un petit traité en forme de lettre pour ce même abbé, et qui a pour titre la Lettre au Pasteur. Sans doute que l’abbé Jean de Raïthe l’y avait obligé par de fortes instances ; et cet ouvrage, dans lequel il traite des devoirs de ceux qui sont chargés de la conduite des autres, n’est pas moins utile pour l’instruction des supérieurs que son Échelle sainte peut l’être à tout le monde, et plus particulièrement à tous les religieux. Il s’y exprime également de la même manière, par maximes et par aphorismes, et dans la même précision et la même élévation de pensées qui lui est propre.

Il y a apparence que saint Jean Climaque ne survécut pas beaucoup à la composition de l’ouvrage dont nous avons parlé. Il avait à peine gouverné quatre ans le monastère de Sinaï, qu’il résolut de le quitter et de retourner dans sa chère solitude de Thole, qu’il avait prise depuis si longtemps, selon l’expression d’un de ses historiens, pour sa compagne et son épouse. Il y entra avec le même attrait et la même inclination pour la vie cachée, qu’on voit une pierre tendre vers son centre. En quittant la supériorité, il établit en sa place un frère qu’il avait, nommé George, qui menait dans la solitude de Sinaï une vie parfaite.

Enfin le bienheureux Jean, étant âgé de plus de quatre-vingts ans et approchant de sa dernière heure, son frère vint le visiter et lui dit, tout fondant en larmes : « Quoi ! mon frère, me laissez-vous ainsi après vous sans secours et sans assistance ? J’avais demandé à Dieu que vous m’envoyassiez à lui (car on croit qu’il était son aîné) avant que d’y aller vous-même, parce que je ne puis pas gouverner cette sainte famille sans vous ; et je suis aujourd’hui si malheureux que de