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Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/145

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le Corébyte, dont il parle en témoin oculaire. Ce solitaire demeurait au mont Oreb, qui est proche de celui de Sinaï, comme nous l’avons dit ailleurs. Il passa une grande partie du temps de sa retraite dans la négligence et sans prendre soin de son salut. Enfin il fut frappé d’une maladie qui le réduisit à l’extrémité, et pendant une heure il ne donna aucun signe de vie. Il revint ensuite à lui-même, et conjura saint Jean Climaque et les autres religieux qui étaient présents de se retirer ; ce qu’ils firent. Il mura en même temps la porte de sa cellule, où il demeura douze ans sans parler à personne, ne se nourrissant que de pain et d’eau. Son occupation dans tout ce temps-là fut de repasser dans son esprit ce que Dieu lui avait fait voir lorsqu’il avait paru comme mort dans le temps de sa maladie, ce qui avait été une véritable extase. Sa pensée y était si fortement attachée, qu’il ne changeait pas même de situation, gardant un profond silence et répandant continuellement des larmes. « Lorsqu’il fut près de mourir, disait saint Jean Climaque, nous rompîmes sa porte, et nous le conjurâmes de nous répondre sur plusieurs choses que nous lui demandions ; mais il s’en excusa et ne nous dit que ces paroles : « Pardonnez-moi, mes frères, si je ne puis vous dire autre chose, sinon que celui qui aura la pensée de la mort gravée dans l’esprit, ne pourra jamais tomber dans le péché. » Nous demeurâmes tout étonnés, ajoute saint Jean Climaque, de voir que ce solitaire, qui avait été si négligent et si lâche, était devenu en un moment si différent de lui-même, et nous admirâmes en lui ce bienheureux changement et cette sainte métamorphose. Nous l’ensevelîmes solennellement dans le cimetière qui est proche du bourg, et lorsque nous allâmes, quelques jours après, chercher son saint corps, nous ne le trouvâmes plus : Dieu voulant, par cet effet miraculeux, faire connaître combien