Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/151

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qui avait eu le malheur de quitter son état et s’était rengagé dans le monde.

Ce solitaire, nommé Ménas, avait été élevé au diaconat et en exerçait les fonctions dans le monastère de Raïthe. Son supérieur l’ayant envoyé dehors pour le service de la communauté, il fut tenté de rentrer dans le siècle, et succomba à la tentation. Quelques années après, revenant de Théopole à Séleucie, il vit de loin le monastère de saint Siméon, dont il avait beaucoup ouï parler, et sa curiosité le porta à y aller pour voir ce saint homme qui, sur sa colonne, était le prodige de son siècle, comme saint Siméon l’Ancien l’avait été cent ans auparavant.

Le saint connut par révélation qui il était ; et à mesure qu’il le vit approcher, il dit à son disciple de prendre des ciseaux, et, le lui montrant du doigt, il lui dit : « Allez couper les cheveux à cet homme-là. » Ménas, tout étonné et saisi de frayeur, demeura sans parole, et se laissa tondre sans faire la moindre résistance. Le saint lui dit ensuite de retourner à Raïthe, et Ménas, étant peu à peu revenu de son étonnement, lui représenta qu’il aurait trop de confusion, et qu’il ne pourrait jamais soutenir les regards de ces vénérables pères qu’il avait abandonnés. « Ne craignez point, mon fils, lui répliqua le saint ; ils vous recevront avec beaucoup de charité, et votre conversion leur causera une grande joie. Il vous arrivera même quelque chose d’extraordinaire et qui vous servira de preuve que Dieu vous aura pardonné votre péché. »

Ménas, rassuré et consolé par ces paroles, retourna à Raïthe, où la prédiction du saint se vérifia dans tous ses points ; car les pères le reçurent avec de grandes démonstrations de tendresse et de charité. Ils lui permirent de faire les fonctions de son ordre ; et un jour qu’il portait le calice où était le précieux sang de Notre-Seigneur, un de ses yeux parut comme lui