Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/154

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Saint Antoine ne s’était pas encore retiré sur cette montagne où il finit depuis sa vie ; il était alors vers Héraclée, et à peine y avait-il un an qu’il était sorti du vieux château où il s’était tenu renfermé pendant vingt ans. Hilarion eût bien désiré de demeurer plus longtemps auprès d’un si excellent maître ; mais voyant ce grand nombre de personnes qui y accouraient de toutes parts, soit pour recevoir ses instructions, soit pour être délivrées de leurs maladies, et particulièrement de l’obsession des démons, il se dit à lui-même qu’il n’était pas venu dans le désert pour y voir autant de monde que dans les villes ; qu’il devait commencer par la retraite, comme saint Antoine avait commencé ; que ce saint, ainsi qu’un soldat vétéran chargé de lauriers, pouvait jouir du fruit de ses victoires, mais que, quant à lui, il avait besoin de combattre, ce qu’il n’avait pas encore bien essayé.

Ces considérations le déterminèrent à retourner en son pays, et il s’y rendit avec quelques autres solitaires, après avoir pris congé du grand Antoine, dans l’intention de pratiquer plus tranquillement les exercices et les vertus qu’il avait appris de lui. Il parut bien, par les effets que sa retraite produisit dans la Palestine, que l’esprit de Dieu l’y conduisit ; car il y fit connaître la sainteté de l’état qu’il avait embrassé, et devint l’instrument de sanctification d’une infinité d’âmes, par les moyens qu’il leur fournit pour en remplir les devoirs avec perfection.

Il trouva en arrivant chez lui que son père et sa mère étaient morts, et distribua ce qui lui revenait de leur succession, partie à ses frères et partie aux pauvres ; et, se souvenant que Jésus-Christ avait dit que celui qui ne renonce pas à tout ce qu’il possède ne saurait être son disciple, il ne réserva rien des biens de la terre, pour mieux acquérir ceux du ciel. Ainsi dépouillé de tout et revêtu seulement de la vertu de Jésus-Christ,