Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/188

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épreuves… Mais, quand on aime véritablement Dieu et que l’on craint les peines de l’enfer, l’on n’hésite point à rompre ces chaînes… Vous me direz peut-être : « Est-il donc impossible de demeurer dans les villes sans cesser d’être chrétien ? » Vous n’êtes pas, mon frère, sur le même pied que les autres. Écoutez ce que dit le Fils de Dieu : Si vous voulez être parfait, allez, vendez tout ce que vous possédez, et donnez-en le prix aux pauvres, puis venez et me suivez. (Matth., xix.) Vous avez fait vœu de tendre à la perfection, car lorsque vous avez abandonné le siècle, vous vous êtes engagé en même temps à une vie parfaite. Or un parfait serviteur de Jésus-Christ ne doit point avoir d’autre possession que Jésus-Christ même ; ou s’il possède quelque chose avec lui, il cesse d’être parfait.

« Vous ne manquerez pas de me répondre que vous ne possédez plus rien ; mais si cela est, que ne combattez-vous donc, puisque ce détachement universel vous rend si propre au combat ? Peut-être croyez-vous pouvoir vous acquitter de tous ces devoirs dans votre patrie ? mais ne savez-vous pas que le Sauveur du monde n’a point fait de miracle dans la sienne ? D’où vous devez conclure qu’un solitaire qui demeure toujours dans son pays ne peut jamais s’élever à la perfection de son état.

« Après vous avoir chassé de ce retranchement, vous ne manquerez pas de vous prévaloir de l’exemple des ecclésiastiques ; et, comme ils demeurent dans leur ville, vous voudrez voir si j’oserai condamner leur conduite : à Dieu ne plaise que je parle mal de ceux qui tiennent dans l’Église la place des apôtres !… Si vos frères vous engagent par leurs pieuses sollicitations à prendre l’ordre de la prêtrise, je me réjouirai de votre élévation, mais je craindrai votre chute… Mettez-vous donc, mon cher frère, à la dernière place,