Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/189

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afin que l’on vous fasse monter plus haut lorsqu’il arrivera quelqu’un moins distingué que vous… (Luc., xiv.) Si un solitaire tombe, le prêtre priera pour lui ; mais qui priera pour le prêtre s’il vient lui-même à tomber ?

« Ô désert toujours émaillé des fleurs de Jésus-Christ ! ô solitude d’où l’on tire les pierres qui servent à bâtir cette ville du grand roi dont parle saint Jean dans son Apocalypse ! ô désert où l’on a l’avantage de converser plus familièrement avec Dieu ! Que faites-vous dans le monde, mon frère, vous qui êtes plus grand que le monde ? Jusques à quand demeurerez-vous à l’ombre des maisons ? Jusques à quand serez-vous enfermé dans les villes d’où s’élève sans cesse une noire fumée ? Croyez-moi, il me semble être ici comme dans un nouveau séjour. Déchargé que je suis du poids accablant de mon corps, je prends plaisir à m’envoler dans un air plus serein et plus épuré.

« Que craignez-vous dans la solitude ? la pauvreté ? Jésus-Christ appelle les pauvres bienheureux ; le travail ? on ne couronne les athlètes qu’après avoir combattu jusqu’à se mettre tout en eau. Est-ce le soin de votre nourriture qui vous inquiète ? la foi n’appréhende point la faim. Craignez-vous de coucher sur la dure et de meurtrir votre corps déjà affaibli et desséché par une longue abstinence ? le Seigneur y reposera avec vous. Ne sauriez-vous souffrir une tête malpropre et des cheveux négligés ? l’apôtre saint Paul nous apprend que Jésus-Christ est la tête de l’homme. (I Cor., xxi.) La vaste étendue d’une affreuse solitude vous fait-elle peur ? vous n’avez qu’à vous promener en esprit dans le paradis ; dès que vous y aurez élevé vos pensées, vous ne serez plus dans le désert. Appréhendez-vous que, faute de prendre le bain, votre peau ne se ride et ne devienne trop rude ? quand une fois