Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/193

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mais je veux qu’on n’entre dans le désert qu’après s’être bien exercé dans les combats spirituels du monastère ; je veux qu’on ait donné auparavant des preuves de bonnes mœurs et de conduite vertueuse ; je veux qu’on ne s’élève au-dessus des autres, par l’excellence de l’état d’anachorète, qu’après s’être rendu le dernier de tous dans la société des frères ; je veux enfin qu’on ne se soit pas laissé abattre par la faim ni vaincre par l’intempérance, qu’on se plaise dans la pauvreté, qu’on fasse voir dans son air, dans ses paroles, dans sa démarche une image de toutes les vertus…

« Ayez toujours quelque livre entre les mains ; apprenez le Psautier par cœur ; priez sans cesse, veillez exactement sur vos sens ; ne vous occupez point de vaines pensées ; que tout en vous se porte à Dieu ; étouffez par la patience les mouvements de la colère ; aimez l’étude de la sainte Écriture ; bannissez de votre esprit tout ce qui peut vous jeter dans le trouble ; soyez toujours occupé, et faites en sorte que le démon ne vous trouve jamais oisif. Si les apôtres travaillaient des mains pour ne pas être à charge aux autres, pourquoi n’en feriez-vous pas de même ? Travaillez donc à faire des corbeilles de jonc ou des paniers d’osier, ou à sarcler la terre, ou à cultiver un jardin… ou à faire des filets pour pêcher, ou à transcrire des livres, afin que vous puissiez tout à la fois et nourrir le corps par le travail des mains et rassasier l’âme par de bonnes lectures. Tout homme qui vit dans l’oisiveté est ordinairement en proie à une infinité de désirs. C’est une coutume établie dans les monastères d’Égypte de ne recevoir que des gens capables de travailler des mains, et ce n’est pas tant pour subvenir aux nécessités du corps qu’afin de pourvoir aux besoins de l’âme, et d’empêcher qu’un solitaire ne s’abandonne à des pensées vaines et dangereuses.