Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/22

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n’était pas parfaite lorsqu’en priant il connaissait et s’apercevait lui-même qu’il priait : ce qui fait voir combien dans ses prières il était élevé au-dessus des sens.

Les douceurs qu’il y goûtait lui donnaient tant d’éloignement des soins du corps, qu’il regardait le boire et le manger comme des nécessités affligeantes, auxquelles il ne se rendait qu’à regret. Il avait même honte de s’y voir assujetti ; ce qui faisait qu’étant quelquefois sur le point de se mettre à table avec ses frères, il les quittait ou pour ne point manger du tout, ou pour manger en particulier, rougissant de le faire devant les autres.

Toute la suite de sa vie était dure et laborieuse ; mais cela n’empêchait pas qu’il n’usât d’une très-grande douceur envers les autres, surtout pour les austérités du corps ; car bien qu’il les crût fort utiles, il voulait qu’on s’y portât avec discrétion, principalement les jeunes solitaires ; disant que sans ce tempérament, s’ils veulent se conduire par leur propre jugement dans ces exercices, ils risquent de tomber dans l’illusion et de faire des chutes.

C’était pour la même raison que, quoique ses austérités fussent grandes, il cédait sans peine et sans jalousie à d’autres qui en faisaient plus que lui. Son attention principale était de croître en amour de Dieu ; et il s’y était rendu si parfait, qu’on rapporte de lui ces paroles admirables : Je ne crains plus Dieu, mais je l’aime ; ce qu’il ne disait pas par une vaine présomption, mais par un transport d’amour et par une naïve effusion de cette ardente charité dont son âme était embrasée.

Il en donna une preuve bien éclatante lorsque l’empereur Maximin renouvela la persécution contre l’Église. Le désir de marquer son amour envers Jésus-Christ le transporta dans Alexandrie, ou pour y souffrir le mar-