Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/39

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eut point, si l’on en excepte Antoine le Grand, dont le nom éclatât autant que le sien. Il ne fut pas seulement respecté des peuples, il le fut des grands et des empereurs ; et les plus célèbres docteurs ou écrivains ecclésiastiques, tels que saint Jérôme, saint Augustin, saint Prosper, Cassien, Pallade, Rufin, saint Eucher, saint Fulgence, lui ont donné de magnifiques éloges. Ainsi ce que nous en dirons est d’autant plus digne de foi, que nous ne serons ici que l’écho de ces grands personnages.

Lyque ou Lycople, dans la basse Thébaïde, fut sa patrie. Il apprit dans sa jeunesse le métier de charpentier, et vécut dans cette profession jusqu’à l’âge de vingt-cinq ans ; après quoi, touché du désir de ne travailler qu’à son salut, il renonça entièrement au siècle pour se retirer dans la solitude. Quoique les biens qu’il abandonna fussent peu de chose, on peut dire de lui ce que saint Jérôme dit de saint Pierre, qu’il quitta beaucoup, parce qu’il ne resta dans son cœur aucune affection pour les biens de la terre.

Ce premier sacrifice fut suivi de celui de sa propre volonté. Il se rangea sous la conduite d’un ancien solitaire pour s’exercer dans l’obéissance ; il le servit avec tant d’humilité, de zèle et même d’adresse, que le bon vieillard craignit qu’il n’agit ou par crainte, ou par quelque affection naturelle, ce qui le porta à s’assurer de la pureté de ses intentions, en lui commandant des choses probablement impossibles, ou qui paraissaient choquer le sens commun.

La première qu’il lui ordonna, fut d’arroser deux fois le jour un bâton sec et à demi pourri jusqu’à ce qu’il eût pris racine et poussé des feuilles et des branches. Cette épreuve dura un an, pendant lequel Jean ne se démentit jamais de son obéissance, quoiqu’il fût obligé d’aller quérir l’eau à deux milles de là.

Sa soumission aveugle fut connue des religieux des