Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/42

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pouvant fournir l’humeur qui les entretient dans les autres.

Dieu, qui le favorisa de grâces extraordinaires, comme nous le verrons bientôt, ne le dispensa point de passer par la tentation, puisqu’il la fait servir à éprouver les plus grands saints. Les démons s’efforcèrent souvent de le troubler pendant la nuit pour l’empêcher de prier ou de prendre quelque repos ; et, ajoutant l’insulte à la peine qu’ils lui causaient, ils lui apparaissaient le matin sous des figures sensibles, et feignaient de lui demander pardon du mal qu’ils lui avaient fait pendant la nuit.

Il y avait trente ans qu’il vivait ainsi renfermé dans sa cellule, combattant contre les puissances des ténèbres, pratiquant de très-grandes austérités, vaquant nuit et jour à la prière, et vivant, pour ainsi dire, dans le ciel par la sublimité de sa contemplation, comme s’il n’eût pas été dans ce monde, lorsqu’il reçut de Dieu la grâce de la prophétie, avec tant d’abondance de lumière, que rien n’échappait à sa connaissance, quelque caché qu’il fût, soit dans les replis des consciences, soit par la distance des lieux, ou dans l’obscurité de l’avenir.

Ce don fut accompagné de celui des miracles. Il en opéra même en son absence, surtout en faveur de quelques femmes, parce qu’il ne voulait jamais souffrir qu’aucune abordât sa cellule. Celle d’un sénateur étant devenue aveugle, ne cessait de presser son mari de la mener au saint. Le mari, qui savait que le saint ne la souffrirait jamais, ne trouva pas de meilleur expédient que de le venir conjurer de prier au moins pour elle. Il le fit, et lui envoya, outre cela, de l’huile qu’il avait bénite ; la malade, en ayant frotté ses yeux, recouvra la vue. Outre qu’il opérait des merveilles sans cette huile bénite, il s’en servait ordinairement, afin qu’on lui attribuât moins la guérison des