Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/54

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avec les yeux égarés et un esprit plein de trouble et d’inquiétude.

« Lorsque, après vêpres, il entra dans sa caverne pour manger, il trouva encore un pain sur sa table, mais très-sale, très-sec, et comme rongé de tous côtés par les souris et par les chiens. Alors il commença à soupirer et à répandre des larmes, qui ne procédaient pas toutefois de telle sorte du cœur, ni en telle abondance, qu’elles pussent éteindre les flammes d’un si grand embrasement. Il mangea pourtant, mais non pas autant qu’il eût désiré, ni avec le même goût ; et ses pensées se multipliant, et assiégeant, pour ainsi dire, son imagination, comme une grêle de flèches qu’on décoche, il se leva la nuit, se mit en chemin pour s’en aller à la ville, déterminé d’abandonner le service de Dieu.

« Il en était encore bien loin, lorsque le jour parut, quoiqu’il eût déjà beaucoup marché, et se sentant brûlé par la chaleur et accablé de lassitude, après s’être tourné de tous côtés pour voir s’il n’y aurait point quelque monastère où il pût aller se rafraîchir, il aperçut une cellule où des solitaires demeuraient, et il y alla pour se reposer. Dès que les serviteurs de Dieu le virent approcher, ils vinrent au-devant de lui, le reçurent comme s’ils eussent reçu un ange, lui lavèrent les pieds, l’invitèrent à venir à l’oraison, lui préparèrent à manger, et s’acquittèrent envers lui de tous les devoirs de l’hospitalité que Jésus-Christ recommande.

« Quand il eut mangé et se fut un peu reposé, ils le conjurèrent, comme un père très-savant et très-spirituel, de leur faire quelque discours de piété pour leur servir d’instruction, et principalement de leur enseigner les moyens d’éviter les pièges du démon, et de chasser de l’esprit les mauvaises pensées qu’il suggère quelquefois. Il se trouva par là engagé à leur