Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/73

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Pour entrer plus dans le détail de ses austérités, il avoua lui-même à Évagre, qui fut son disciple pendant quelque temps, qu’il avait passé vingt ans entiers sans manger, ni boire, ni dormir autant qu’il aurait voulu ; « car, ajoutait-il, je ne mangeais qu’une certaine quantité de pain que je pesais ; je mesurais mon eau, et, m’appuyant seulement contre la muraille, je prenais, comme à la dérobée, le peu de sommeil dont je ne pouvais me passer. »

Sa règle ordinaire était de ne manger qu’une fois la semaine. Il voulait que ses disciples s’accoutumassent à une grande mortification ; et le même Évagre racontait que, se trouvant en sa compagnie à l’heure de midi, comme il se sentit brûlé de la soif, il lui demanda la permission de boire de l’eau ; mais il lui répondit : « Contentez-vous, mon fils, d’être à l’ombre ; car, à l’heure que nous y sommes, il y a beaucoup de personnes qui, voyageant ou sur la terre ou sur la mer, sont privés du soulagement que vous avez. » Ils s’entretinrent là-dessus de la mortification, et le saint, pour l’encourager, lui rapporta de lui-même ce que nous venons de dire.

Saint Macaire chérissait si fort la mortification et la privation de toutes les commodités de la vie, que deux solitaires l’étant venus visiter ne trouvèrent dans sa cellule que de l’eau puante. Ils en furent touchés, et s’offrirent de le mener à un village pour rétablir ses forces usées. Comme ils le pressaient pour cela, il leur dit : « Mes frères, savez-vous l’endroit où est le moulin d’un tel, homme de ce village ? » Ils lui dirent que oui. « Et moi aussi, je le sais, » leur dit-il, « Mais savez-vous aussi où est son champ du côté du fleuve ? — Oui, mon père, répondirent-ils encore. — Et moi aussi, je le sais, » Il leur disait ceci pour leur montrer que, s’il avait voulu chercher ses commodités, il était connu dans le village où ils voulaient le mener. « Mais, conclut-il,