Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/74

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je vous remercie de vos offres obligeantes, je sais pourvoir à mes besoins. »

Il se louait pour la moisson, comme faisaient les solitaires de Nitrie, et portait lui-même de Scété aux lieux habités les corbeilles qu’il avait faites. Il se trouva une fois si abattu sous son fardeau, que, ne pouvant plus aller en avant, et se trouvant encore éloigné de la rivière, il s’assit à terre et s’adressa à Dieu, en lui disant avec une confiance filiale, comme un enfant qui parle à son père : « Seigneur, vous savez que je n’en puis plus, » et aussitôt il se trouva sur le bord du fleuve.

Une autre preuve encore de sa grande mortification est que, quand on l’obligeait de prendre quelque soulagement, il tâchait de s’en dédommager par quelque autre genre de pénitence. Ainsi on dit de lui que, quand il mangeait avec des solitaires et qu’il s’y rencontrait du vin, il buvait ce qu’on lui présentait, et passait ensuite autant de jours sans boire d’eau qu’il avait bu de coups de vin. Les solitaires qui ignoraient sa coutume lui en présentaient avec plaisir, croyant par là soutenir ses forces ; et il était plus aise d’en recevoir, pour avoir ensuite occasion de se mortifier davantage ; mais son disciple, s’en étant aperçu, en instruisit les frères, qui n’osèrent plus lui en offrir.

Il paraissait assez sur son visage atténué quelle était la rigueur de son abstinence. Cela venait aussi de la crainte de Dieu dont il était pénétré ; ce qui lui fit dire à des solitaires qui lui demandaient pourquoi il était si défait et si faible : « Si vous mettez du bois sur des sarments allumés, il se consume avec eux ; de même, lorsque l’âme est consumée en quelque façon par la crainte de Dieu, le corps doit l’être également. »

Plus ce grand saint affaiblissait son corps par ses