Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/90

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capable, dans ses essais, de ce que les autres auraient regardé comme leur effort.

Tandis qu’il se tenait dans cette humiliante position, Jean le Nain prit un pain qui était sur la table, le jeta au milieu de la cellule, et, le regardant avec un air d’indifférence, lui dit : « Mangez, si vous voulez. » Aussitôt Arsène se met à quatre pieds, et va manger dans la même situation le pain à l’endroit où il le lui avait jeté. Une si rare docilité fit comprendre au vénérable Jean le Nain la solidité de sa vocation. Il n’en demanda pas d’autre preuve, et dit aux religieux : « Vous pouvez, mes frères, vous en aller avec la bénédiction du Seigneur ; priez pour nous. Je vous assure que celui-ci est propre pour la vie religieuse. »

Arsène n’eut pas besoin, après un si heureux commencement, de demeurer longtemps disciple pour être formé dans les devoirs de son nouvel état. Son maître eut la consolation de le voir faire, sous sa conduite, des progrès si rapides dans la perfection, qu’il surpassait les plus anciens même du désert dans la constance à supporter les travaux de la pénitence, et dans la patience et le courage à soutenir les combats des passions et du démon ; en sorte que, comme dans le monde il s’était distingué par sa science et par son faste, il se distinguait encore plus dans la religion par son humilité et par sa mortification. Cela fit que son père spirituel, reconnaissant l’attrait de sa grâce, qui était pour la vie entièrement retirée, ne le retint pas davantage auprès de lui, et lui permit de demeurer seul.

Ce fut alors que, se trouvant dans une pleine liberté de se livrer à toute l’étendue de sa ferveur, il pria encore Notre-Seigneur de lui faire connaître ce qu’il devait faire pour arriver à la sainteté, et il entendit de nouveau une voix qui lui dit : Arsène, fuis les