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Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/99

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pas encore parvenu à savoir l’alphabet de ce vieillard que vous regardez comme un rustique. » Sur quoi saint Théodore fait cette belle réflexion : « Ce saint homme, dit-il, voulait nous donner à entendre par là que, si nous ne nous étudions, par une sincère humilité, à apprendre cet alphabet préférablement à toute autre science, eussions-nous acquis d’ailleurs des connaissances sublimes, nous ne serons dans la vérité que des rustiques et des ignorants. »

Évagre, s’entretenant avec lui de quelques religieux d’Égypte qui se souciaient peu d’acquérir les sciences humaines, lui disait : « Pourquoi nous autres, après nous être si fort appliqués à l’étude et aux sciences, n’avons-nous acquis aucune vertu, tandis que ces Égyptiens, qui n’ont aucune teinture des lettres, ont si bien profité dans la piété ? — C’est, répondit saint Arsène, que nous sommes tout occupés de ces vaines sciences ; au lieu que ces Égyptiens, quoique grossiers, tournent tous leurs soins du côté des vertus, et travaillent si bien, qu’ils parviennent à les acquérir. »

Saint Arsène, également distingué par le poste éminent qu’il avait occupé à la cour, et par l’éclat des vertus dont il brillait dans son désert, méritait d’être souverainement respecté de tous les solitaires, et il l’était aussi ; mais son humilité ne pouvait le souffrir et ne voulait aucune distinction. Cela parut surtout dans l’occasion que nous allons citer. Quelques personnes apportèrent des figues sèches pour les distribuer aux solitaires de Scété ; mais, comme il y en avait peu, les pères qui en firent la distribution n’osèrent, par respect, lui en envoyer, craignant que ce ne fût lui faire une injure plutôt qu’un présent de lui donner peu de chose. Il le sut, et ne voulut point aller à l’église comme il faisait auparavant, disant aux pères : « Vous m’avez donc excommunié en ne me faisant point