Page:Marius Grout - Le vent se lève.djvu/138

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

au jardin — : « Tenez, une jeune fille comme ça, c’est aussi pur qu’une fleur toute fraîche, et ça s’ouvre au Bon Dieu comme une belle rose au grand soleil… Il n’y a personne dans le monde, monsieur l’Abbé, pour épouser une jeune fille comme ça. Le petit François est bien gentil, mais ça ne deviendra jamais un homme. C’est grêle, c’est… et, ne trouvant pas d’autre mot, elle reprend simplement : c’est gentil… » Elle s’interrompt, tâte un drap qui sèche dans l’allée, et, alors, les deux poings sur ses hanches, et me regardant bien en face : « Tenez, monsieur l’Abbé, vous allez me dire que je me mêle de ce qui ne me regarde pas, mais une pareille jeune fille, ça n’est rien que pour le Bon Dieu ! »

Ma vie est à présent très calme, et comme exempte de tentations. Une âme naturellement tourmentée est une proie facile pour le démon. Je ne suis plus tourmenté. Et pas même, bien sûr, de continuer à grossir.

Et je vais fumer ce soir ma première pipe.

Journée fatigante et fatigante sans doute parce que quelconque. Un mariage, ce matin, celui de mademoiselle Journel avec le fils Bourgeois. Us appartiennent, l’un et l’autre, à des familles de cultivateurs — les deux plus grosses fermes, ou à peu près, de la commune : près