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Page:Marius Grout - Le vent se lève.djvu/41

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sieur Rousseau, m’a-t-elle dit l’autre jour, et avec une exquise timidité, monsieur Rousseau, est-ce que cela vous dérangerait de me prêter les Poèmes Choisis de Verlaine ? » Le livre était là sur ma table. Depuis quinze jours. J’avais vu qu’elle le regardait. J’aurais dû, bien sûr, le ranger. Je ne l’ai pas fait. Pourquoi ?

J’ai donc prêté ces poésies : « Mais, Mademoiselle, il fallait lé dire 5 Si j’avais su !… » Je tends l’ouvrage, et pense soudain à tel poème, tel autre encore, qui ne sont pas pour une jeune fille. Et puis, ce trouble chez Verlaine, et cette gloutonne sensualité !… Il est trop tard.

Huit jours après : « Monsieur Rousseau, je vous rapporte les poèmes. Oui, j’ai tout lu. Il y en de beaux, vous savez, celui qui commence ainsi : « L’espoir luit… » « — Oui, Mademoiselle. » Et je lui récite le poème comme si je le disais pour moi, d’une voix égale, en écoutant. Elle baisse la tête. Le vent parfois, entré par la fenêtre, joue dans ses cheveux. Je me réveille : « Alors, Mademoiselle, nous en étions… ? » Elle me regarde, ouvre un cahier, nous travaillons.

Elle travaille bien : « Monsieur Rousseau, à la dernière composition, j’ai eu quatorze. J’étais troisième. Le professeur n’en revenait pas : « Vous avez fait de grands progrès ! De tels progrès que j’en suis étonnée moi-même ! », Ma mère n’en revenait pas non plus. Malheureusement, c’est tout le contraire en littéra-