Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 1.djvu/142

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Vous vous corrigerez ? Et pourquoi dans l’Afrique
N’avez-vous donc pas mis tout votre art en pratique ?
Serait-ce qu’il manquait à votre instruction
La honte d’être encor vaincu par Scipion ?
Rome, il est vrai, vous vit gagner quelque victoire,
Et vous avez raison quand vous en faites gloire.
Mais ce sont vos exploits qui doivent effrayer
Tous les rois dont l’audace osera s’y fier.
Rome, vous le savez, en cent lieux de la terre
Avait à soutenir le fardeau de la guerre.
L’univers attentif crut la voir en danger,
Douta que ses efforts pussent l’en dégager.
L’univers se trompait. Le ciel, pour le convaincre
Qu’on ne devait jamais espérer de la vaincre,
Voulut jusqu’à ses murs vous ouvrir un chemin,
Pour qu’on la crût encor plus proche de sa fin,
Et que la terre après, détrompée et surprise,
Apprît à l’avenir à nous être soumise.

ANNIBAL

À tant de vains discours, je vois votre embarras ;
Et si vous m’en croyez, vous ne poursuivrez pas.
Rome allait succomber : son vainqueur la néglige ;
Elle en a profité ; voilà tout le prodige.
Tout le reste est chimère ou pure vanité,
Qui déshonore Rome et toute sa fierté.

FLAMINIUS

Rome de vos mépris aurait tort de se plaindre :
Tout est indifférent de qui n’est plus à craindre.

ANNIBAL

Arrêtez, et cessez d’insulter au malheur