Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 1.djvu/285

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

queuque chose de bon sur les paroles de ceti-là qui nous a boutés ici. Les gens de ce pays l’appelont l’île de la Raison, n’est-ce pas ? Il faut donc que les habitants s’appelaint les Raisonnables ; car en France il n’y a que des Français, en Allemagne des Allemands, et à Passy des gens de Passy, et pas un Raisonnable parmi ça : ce n’est que des Français, des Allemands, et des gens de Passy. Les Raisonnables, ils sont dans l’île de la Raison ; cela va tout seul.

LE PHILOSOPHE

Eh finis, mon ami, finis, tu nous ennuies.

BLAISE

Eh bian ! ou avez le temps de vous ennuyer ; patience. Je dis donc que j’ai entendu dire par le seigneur de noute village, qui était un songe-creux, que ceux-là qui n’étiont pas raisonnables, deveniont bian petits en la présence de ceux-là qui étiont raisonnables. Je ne voyions goutte à son idée en ce temps-là : mais morgué ! en véci la vérification dans ce pays. Je ne sommes que des Français, des Gascons, ou autre chose ; je nous trouvons avec des Raisonnables, et velà ce qui nous rapetisse la taille.

LE POÈTE

Comme si les Français n’étaient pas raisonnables.

BLAISE

Eh morgué, non : ils ne sont que des Français ;