Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 3.djvu/336

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d’un chagrin ; vous ne m’aimerez jamais, et vous m’avez dit que vous étiez mariée.

HORTENSE

Hé bien, je suis veuve ; perdez du moins la moitié de vos chagrins ; à l’égard de celui de n’être point aimé…

LÉLIO

Achevez, Madame : à l’égard de celui-là ?…

HORTENSE

Faites comme vous pourrez, je ne suis pas mal intentionnée… Mais supposons que je vous aime, n’y a-t-il pas une princesse qui croit que vous l’aimez, qui vous aime peut-être elle-même, qui est la maîtresse ici, qui est vive, qui peut disposer de vous et de moi ? À quoi donc mon amour aboutirait-il ?

LÉLIO

Il n’aboutira à rien, dès lors qu’il n’est qu’une supposition.

HORTENSE

J’avais oublié que je le supposais.

LÉLIO

Ne deviendra-t-il jamais réel ?

HORTENSE

, s’en allant.

Je ne vous dirai plus rien ; vous m’avez demandé la consolation de m’ouvrir votre cœur, et vous me trompez ; au lieu de cela, vous prenez la consolation de voir dans le mien. Je sais votre secret, en voilà assez ; laissez-moi garder le mien, si je l’ai encore. (Elle part.)