Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/102

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en retirant ma main avec assez de force, et d’un ton qui marquait encore que je revenais de loin, supposé qu’il fût lui-même en état d’y voir si clair ; car il avait eu des mouvements, aussi bien que moi. Mais je crois qu’il vit tout ; il n’était pas si neuf en amour que je l’étais, et dans ces moments-là, jamais la tête ne tourne à ceux qui ont un peu d’expérience par devers eux ; vous les remuez, mais vous ne les étourdissez point ; ils conservent toujours le jugement, il n’y a que les novices qui le perdent. Et puis, dans quel danger n’est-on pas quand on tombe en de certaines mains, quand on n’a pour tout guide qu’un amant qui vous aime trop mal pour vous mener bien !

Pour moi, je ne courais alors aucun risque avec Valville : j’avoue que je fus troublée, mais à un degré qui étonna ma raison, et qui ne me l’ôta pas ; et cela dura si peu, qu’on n’aurait pu en abuser, du moins je me l’imagine ; car au fond, tous ces étonnements