Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/107

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J’imagine une chose, mademoiselle, me dit-il tout de suite quand le laquais fut sorti ; c’est de vous reconduire moi-même avec la femme que vous avez vu paraître. Qu’en dites-vous, mademoiselle ? il me semble que c’est une attention nécessaire de ma part, après ce qui vous est arrivé ; je crois même qu’il y aurait de l’impolitesse à m’en dispenser : c’est une réflexion que je fais, et qui me vient fort à propos. Et moi, je la trouvais tuante.

Ah ! monsieur, m’écriai-je, que me proposez-vous là ? Moi, m’en retourner dans votre carrosse au logis, et y arriver avec vous, avec un homme de votre âge ! Non, monsieur, je n’aurai pas cette imprudence-là ; le ciel m’en préserve ! Vous ne songez pas à ce qu’on en dirait ; tout est plein de médisants ; et si on ne va pas me chercher une voiture, j’aime encore mieux m’en aller à pied chez moi, et m’y traîner comme je pourrai, que d’accepter vos offres.

Ce discours ne souffrait point de réplique ; aussi m’en parut-il outré.

Allons, mademoiselle, s’écria-t-il à son tour avec douleur en se levant d’auprès de moi : je vous entends. Vous ne voulez plus que je vous revoie, ni que je sache où vous reprendre ; car, de m’alléguer la crainte que vous avez, dites-vous, de ce qu’on pourrait dire, il n’y a pas d’apparence qu’elle soit le motif de vos refus. Vous vous blessez en tombant, vous êtes à ma porte, je m’y trouve, vous avez besoin de secours, mille gens sont témoins de votre accident, vous ne sauriez vous soutenir, je vous fais porter