Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/108

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chez moi ; de là je vous ramène chez vous ; il n’y a rien de si simple, vous le sentez bien ; mais rien en même temps qui me mit plus naturellement à portée d’être connu de vos parents, et je vois bien que c’est à quoi vous ne voulez pas que je parvienne. Vous avez vos raisons, sans doute ; ou vous déplais, ou vous êtes prévenue.

Et là-dessus, sans me donner le temps de lui répondre, outré du silence morne que j’avais gardé jusque-là, et, dans l’amertume de son chagrin, ayant l’air content d’être privé de ce qu’il était au désespoir de perdre, il part, s’avance à la porte de la salle et appelle impétueusement un laquais, qui accourt : Qu’on aille chercher une chaise ; lui dit-il ; et si on n’en trouve pas, qu’on amène un carrosse. Mademoiselle ne veut pas du mien.

Et puis, revenant à moi : Soyez en repos, ajouta-t-il, vous allez avoir ce que vous souhaitez, mademoiselle : il n’y a plus rien à craindre ; et vous et vos parents me serez éternellement inconnus, à moins que vous ne me disiez votre nom, et je ne pense pas que vous en ayez envie.

À cela nulle réponse encore de ma part ; je n’étais plus en état de parler. En revanche, devinez ce que je faisais, madame : excédée de peines, de soupirs, de réflexions. je pleurais, la tête baissée. Vous pleuriez ? Oui, j’avais les yeux remplis de larmes. Vous en êtes surprise ? Mais mettez-vous bien au fait de ma situation, et vous verrez dans quel épuisement de courage je devais tomber.