Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/116

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M. de Climal était amoureux de moi ; comprenez donc combien il fut jaloux. Amoureux et jaloux ! voilà déjà, de quoi être bien agité ; et puis M. de Climal était un faux dévot, qui ne pouvait avec honneur laisser transpirer ni jalousie, ni amour. Ils transpiraient pourtant malgré qu’il en eût : il le sentait bien, il en était honteux, il avait peur qu’on n’aperçût sa honte ; et tout cela ensemble lui donnait je ne sais quelle incertitude de mouvements, sotte, ridicule, qu’on voit mieux qu’on ne l’explique. Et ce n’est pas là tout : son trouble avait encore un grand motif que j’ignorais ; le voici : c’est que Valville, en se levant, s’écria à demi-bas : Eh ! c’est mon oncle !

Nouvelle augmentation de singularité dans ce coup de hasard. je n’avais fait que rougir en le voyant, cet oncle ; mais sa parenté, que j’apprenais, me déconcerta encore davantage ; et la manière dont je le regardai, s’il y fit attention, m’accusait bien nettement d’avoir pris plaisir aux discours de Valville. J’avais tout à fait l’air d’être sa complice ; celà n’était pas douteux à ma contenance.

De sorte que nous étions trois figures très interdites. À l’égard de la dame que menait M. de Climal, elle ne me parut pas s’apercevoir de notre embarras, et ne remarqua, je pense, que mes grâces, ma jeunesse, et la tendre posture de Valville.

Ce fut elle qui ouvrit la conversation. je ne vous