Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/117

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plains point, monsieur, vous êtes en bonne compagnie, un peu dangereuse à la vérité ; je n’y crois pas votre cœur fort en sûreté, dit-elle à Valville en nous saluant. À quoi d’abord il ne répondit que par un sourire, faute de savoir que dire. M. de Climal souriait aussi, mais de mauvaise grâce, et en homme indéterminé sur le parti qu’il avait à prendre, inquiet de celui que je prendrais ; car fallait-il qu’il me connût ou non, et moi-même allais-je en agir avec lui comme avec un homme que je connaissais ?

D’un autre côté, ne sachant aussi quel accueil je devais lui faire, j’observais le sien pour m’y conformer ; et comme son air souriant ne réglait rien là-dessus, la manière dont je saluai ne fut pas plus décisive, et se sentit de l’équivoque où il me laissait.

En un mot, j’en fis trop et pas assez. Dans la moitié de mon salut, il semblait que je le connaissais ; dans l’autre moitié, je ne le connaissais plus ; c’était oui, c’était non, et tous les deux manqués.

Valville remarqua cette façon d’agir abscure, car il me l’a dit depuis. Il en fut frappé.

Il faut savoir que, depuis quelque temps, il soupçonnait son oncle de n’être pas tout ce qu’il voulait paraître ; il avait appris, par de certains faits, à se défier de sa religion et de ses mœurs. Il voyait que j’étais aimable, que je demeurais chez Mme Dutour, que j’avais beaucoup pleuré avant que de l’avouer. Que pouvait, après cela, signifier cet accueil à double sens que je faisais à M. de Climal, qui n’avait pas à son tour un maintien moins composé, ni