Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/119

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

m’a portée dans cette salle, parce que je ne pouvais marcher.

Mais, dit la dame, il faudrait du secours. Si c’était une entorse, cela est considérable. Etes-vous seule, mademoiselle ? N’avez-vous personne avec vous ? pas un laquais ? pas une femme ? Non, madame, répondis-je, fâchée de l’honneur qu’elle me faisait, et que je reprochais à ma figure qui en était cause : je ne demeure pas loin d’ici. Eh ! bien, dit-elle, nous allons dîner, M. de Climal et moi ; dans ce quartier ; nous vous ramènerons.

Encore ! dis-je en moi-même : quelle persécution ! Tout le monde a donc la fureur de me ramener ! Car sur cet article-là je n’avais pas l’esprit bien fait ; et ce qui me frappa d’abord, ce fut, comme avec Valville, l’affront d’être reconduite à cette malheureuse boutique.

Cette dame qui parlait de femme, de laquais, dont elle s’imaginait que je devais être suivie, après cette opinion fastueuse de mon état, qu’aurait-elle trouvé ? Marianne. Le beau dénoûment ! Et quelle Marianne encore ? Une petite friponne en liaison avec M. de Climal, c’est-à-dire avec un franc hypocrite.

Car quel autre nom eût pu espérer cet homme de bien ? Je vous le demande. Que serait devenue la bonne odeur de sa vie, lui qui avait nié de me connaître, et moi-même qui m’étais prêtée à son imposture ? N’aurais-je pas été une jolie mignonne avec mes grâces, si Mme Dutour et Toinon s’étaient trouvées