Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/126

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où j’étais, et qui m’y voyait, non comme Marianne, mais comme une personne qui lui ressemblait tant, qu’elle en était surprise ; et mon carrosse était déjà arrêté à la porte ; qu’elle ne s’avisait pas encore de croire que ce fût moi (c’est qu’à son compte je ne devais arriver qu’à pied).

À la fin pourtant il fallut bien me reconnaître. Ah ! Ah ! Marianne, eh ! c’est vous, s’écria-t-elle. Eh ! pourquoi. donc en fiacre ? Est-ce que vous venez de si loin ? Non, madame, lui dis-je ; mais je me suis blessée en tombant, et il m’était impossible de marcher ; je vous conterai mon accident quand je serai rentrée. Ayez à présent la bonté de m’aider avec le cocher à descendre.

Le cocher ouvrait la portière pendant que je parlais. Allez, allez, me dit-il, arrivez ; ne vous embarrassez pas, mademoiselle ; pardi ! je vous descendrai bien tout seul. Un bel enfant comme vous, qu’est-ce que cela pèse ? C’est le plaisir. Venez, venez, jetez-vous hardiment : je vous porterais encore plus loin que vous n’iriez sur vos jambes.

En effet, il me prit entre ses bras, et me transporta comme une plume jusqu’à la boutique, où je m’assis tout d’un coup.

Il est bon de vous dire que dans l’intervalle du transport je jetai les yeux dans la rue du côté d’où je venais, et que je vis à trente ou quarante pas de là un des gens de Valville qui était arrêté, et qui avait tout l’air d’avoir couru pour me suivre : et c’était apparemment là le résultat de ce qu’il avait dit