Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/127

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à ce laquais, quand je l’avais vu lui parler à l’oreille.

La vue de ce domestique aposté réveilla toute ma sensibilité sur mon aventure, et me fit encore rougir ; c’était un témoin de plus de la petitesse de mon état ; et ce garçon, quoiqu’il n’eût fait que me voir chez Valville, ne se serait pas, j’en suis sûre, imaginé que je dusse entrer chez moi par une boutique ; c’est une réflexion que je fis : n’en était-ce pas assez pour être fâchée de le trouver là ? Il est vrai que ce n’était qu’un laquais ; mais quand on est glorieuse, on n’aime à perdre dans l’esprit de personne ; il n’y a point de petit mal pour l’orgueil, point de minutie, rien ne lui est indifférent ; et enfin ce valet me mortifia ; d’ailleurs, il n’était là que par l’ordre de Valville, il n’y avait pas à en douter. C’était bien la peine que mon maître fit tant de façon avec cette petite fille-là ! pouvait-il dire en lui-même d’après ce qu’il voyait. Car ces gens-là sont plus moqueurs que d’autres ; c’est le régal de leur bassesse, que de mépriser ce qu’ils ont respecté par méprise, et je craignais que cet homme-ci, dans son rapport à Valville, ne glissât sur mon compte quelque tournure insultante ; qu’il ne se régalât un peu aux dépens de mon domicile, et n’achevât de rebuter la délicatesse de son maître. je n’avais déjà que trop baissé de prix à ses yeux. Il n’osait déjà plus faire tant de cas de l’honneur qu’il y aurait à me plaire ; et adieu le plaisir d’avoir de l’amour, quand la vanité d’en inspirer nous quitte ; et Valville était presque dans ce cas-là. Voyez le tort que