Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/161

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que le hasard vous fait ; moi dont le ciel, qui se sert de tout ; va se servir aujourd’hui pour changer votre sort !

Il en était là de son discours, quand le ciel, qu’il osait pour ainsi dire faire son complice, le punit subitement par l’arrivée de Valville, qui, comme je l’ai déjà marqué, connaissait Mme Dutour, et qui, de la boutique où il entra, passa dans la salle où nous étions, et trouva mon homme dans la même posture où, deux ou trois heures auparavant, l’avait surpris M. de Climal ; je veux dire à genoux devant moi, tenant ma main qu’il baisait, et que je m’efforçais de retirer ; en un mot, la revanche était complète.

Je fus la première à apercevoir Valville ; et à un geste d’étonnement que je fis, M. de Climal retourna la tête, et le vit à son tour.

Jugez de ce qu’il devint à cette vision ; elle le pétrifia, la bouche ouverte ; elle le fixa dans son attitude. Il était à genoux, il y resta ; plus d’action, plus de présence d’esprit, plus de paroles ; jamais hypocrite confondu ne fit moins de mystère de sa honte, ne la laissa contempler plus à l’aise, ne plia de meilleure grâce sous le poids de son iniquité, et n’avoua plus franchement qu’il était un misérable. J’ai beau appuyer là-dessus, je ne peindrai pas ce qui en était.

Pour moi, qui n’avais rien à me reprocher, il me semble que je fus plus fâchée qu’interdite de cet événement, et j’allais dire quelque chose, quand Valville, qui avait d’abord jeté un regard assez dédaigneux sur moi, et qui ensuite s’était mis froidement à