Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/162

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contempler la confusion de son oncle, me dit d’un air tranquille et méprisant : Voilà qui est fort joli, mademoiselle ! Adieu, monsieur, je vous demande pardon de mon indiscrétion ; et là-dessus il partit en me lançant encore un regard aussi cavalier que le premier, et au moment que M. de Climal se relevait.

Que voulez-vous dire avec ce voilà qui est joli : lui criai-je en me levant aussi avec précipitation : arrêtez, monsieur, arrêtez ; vous vous trompez, vous me faites tort, vous ne me rendez pas justice.

J’eus beau crier, il ne revint point. Courez donc après, monsieur, dis-je alors à l’oncle, qui, tout palpitant encore et d’une main tremblante, ramenait son manteau sur ses épaules (car il en avait un) ; courez donc, monsieur : voulez-vous que je sois la victime de ceci ? Que va-t-il penser de moi ? pour qui me prendra-t-il ? Mon Dieu ! que je suis malheureuse !

Ce que je disais la larme à l’œil, et si outrée, que j’allais moi-même rappeler le neveu qui était déjà dans la rue.

Mais l’oncle, m’empêchant de passer : Qu’allez-vous faire ? me dit-il. Restez, mademoiselle ; ne vous inquiétez pas ; je sais la tournure qu’il faut donner à ce qui vient d’arriver. Est-il question d’ailleurs de ce que pense un petit sot que vous ne verrez plus, si vous voulez ?

Comment ! s’il en est question ! repris-je avec emportement, lui qui connaît Mme Dutour, à qui il dira ce qu’il en pense ! lui avec qui j’ai eu un entretien