Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/163

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de plus d’une heure, et qui par conséquent me reconnaîtra ! Monsieur, ne peut-il pas me rencontrer tous les jours ? peut-être demain ? ne me méprisera-t-il pas ? ne me regardera-t-il pas comme une indigne à cause de vous, moi qui suis sage, qui aimerais mieux mourir que de ne pas l’être, qui ne possède rien que ma sagesse, qu’on s’imaginera que j’aurai perdue ? Non, monsieur, je suis désolée, je suis au désespoir de vous connaître : c’est le plus grand malheur qui pouvait m’arriver. Laissez-moi passer, je veux absolument parler à votre neveu, et lui dire, à quelque prix que ce soit, mon innocence. Il n’est pas juste que vous vous ménagiez à mes dépens. Pourquoi contrefaire le dévot, si vous ne l’êtes pas ? J’ai bien affaire de toutes ces hypocrisies-là, moi !

Petite ingrate que vous êtes, me répondit-il en pâlissant, est-ce là comme vous payez mes bienfaits ? À propos de quoi parlez-vous de votre innocence ? Où avez-vous pris qu’on songe à l’attaquer ? Vous ai-je dit autre chose, sinon que j’avais quelque inclination pour vous, à la vérité, mais qu’en même temps je crie la reprochais, que j’en étais fâché, que je m’en sentais humilié, que je la regardais comme une faute dont je m’accusais, et que je voulais l’effacer