Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/180

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

les envoyer demain matin ; Valville sera chez lui alors, il n’y a point d’apparence qu’il y soit à présent ; laissons là le paquet, je l’achèverai tantôt, quand je serai revenue de chez ce religieux : mon pied ne me fait presque plus de mal ; j’irai bien tout doucement jusqu’à son couvent, que vous remarquerez qu’il m’avait enseigné la dernière fois qu’il était venu me voir.

Oui ; mais, quelle cornette mettrai-je ? Quelle cornette, eh ! celle que j’avais ôtée, et qui était à côté de moi. C’était bien la peine d’aller fouiller dans ma cassette pour en tirer une autre, puisque j’avais celle-ci toute prête !

Et d’ailleurs, comme elle valait beaucoup plus que la mienne, il était même à propos que je m’en servisse, afin de la montrer à ce religieux, qui jugerait, en la voyant, que celui qui me l’avait donnée y avait entendu finesse, et que ce ne pouvait pas être par charité qu’on en achetât de si belles ; car j’avais dessein de conter toute mon aventure à ce bon moine, qui m’avait paru un vrai homme de bien : or cette cornette serait une preuve sensible de ce que je lui dirais.

Et la robe que j’avais sur moi, eh ! vraiment, il ne fallait pas l’ôter non plus : il est nécessaire qu’il la voie, elle sera une preuve encore plus forte.

Je la gardai donc, et sans scrupule, j’y étais autorisée par la raison même : l’art imperceptible de mes petits raisonnements m’avait conduit jusque-là, et je repris courage jusqu’à nouvel ordre.