Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/215

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et revint une petite demi-heure après. Ce qui fut dit entre la dame, la prieure et moi pendant cet intervalle de temps, je le passe. Voici la tourière de retour ; j’oublie pourtant une circonstance, c’est qu’avant qu’elle rentrât dans le parloir, une autre fille de la maison vint avertir la dame qu’on souhaitait lui dire un mot dans le parloir voisin. Elle y alla, et n’y resta que cinq ou six minutes. À peine était-elle revenue, que nous vîmes paraître la tourière, qui apparemment venait de la quitter, et qui, avec une gaieté de bon augure, et débutant par un enthousiasme d’amitié pour moi, m’adressa d’abord la parole.

Ah ! sainte mère de Dieu, que je viens d’entendre dire du bien de vous, mademoiselle ! allez, je l’aurais deviné, vous avez bien la mine de ce que vous êtes. Madame, vous ne sauriez croire tout ce qu’on m’en vient de conter ; c’est qu’elle est sage, vertueuse, remplie d’esprit, de bon cœur, civile, honnête, enfin la meilleure fille du monde ; c’est un trésor, hors qu’on dit qu’elle est si malheureuse que nous en venons de pleurer, la bonne Mme Dutour et moi. Il n’y a ni père ni mère, on ne sait qui elle est : voilà tout son défaut ; et sans la crainte de Dieu, elle n’en serait pas plus mal, la pauvre petite ! témoin un gros richard queue a congédié pour de bonnes raisons, le vilain qu’il est ! Je vous conterai cela une autre fois, je vous dis seulement le principal. Au reste, madame, j’ai fait comme vous me l’avez commandé : je n’ai pas dit votre nom à la marchande ; elle ne sait pas qui est-ce qui s’enquête.