Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/29

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Je me retrouvai pourtant dans la longueur du chemin, et alors je jouis de toute ma surprise : je sentis mes mouvements, je fus charmée de me trouver là, je respirai un air qui réjouit mes esprits. Il y avait une douce sympathie entre mon imagination et les objets que je voyais, et je devinais qu’on pouvait tirer de cette multitude de choses différentes je ne sais combien d’agréments que je ne connaissais pas encore ; enfin il me semblait que les plaisirs habitaient au milieu de tout cela. Voyez si ce n’était pas là un vrai instinct de femme, et même un pronostic de toutes les aventures qui devaient m’arriver.

Le destin ne tarda pas à me les annoncer ; car dans la vie d’une femme comme moi, il faut bien parler du destin. Le parent que nous allions trouver était mort quand nous arrivâmes : il y avait, dit-on, vingt-quatre heures qu’il était expiré.

Ce n’est pas là tout, c’est qu’on avait mis le scellé chez lui ; cet homme avait été dans les affaires, et on prétendait qu’il devait plus qu’il n’avait vaillant.

Je ne vous dirai pas comment on justifiait cela, c’est un détail qui me passe ; tout ce que je sais, c’est que nous ne pûmes loger chez lui, que tout était saisi, et qu’après bien des discussions, qui durèrent trois ou quatre mois, on nous fit voir qu’il n’y avait pas le sou à espérer de la succession, et que c’était