Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/30

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dommage qu’elle ne fût pas plus grande, parce qu’elle en aurait mieux payé ses dettes.

N’était-ce pas là un beau voyage que nous étions venu faire ? Aussi la sœur du curé en prit-elle un si grand chagrin, qu’elle en tomba malade dans l’auberge où nous étions.

Hélas ! ce fut à cause de moi qu’elle s’affligea tant : elle avait espéré que cette succession la mettrait en état de me faire du bien ; et d’ailleurs ce voyage inutile l’avait épuisé d’argent, ce qu’elle en avait apporté diminuait beaucoup : et son frère, qui n’avait que sa cure, aurait bien de la peine à lui en envoyer encore. Pour comble d’embarras, elle était malade. Quelle pitié !

Je l’entendais soupirer : jamais cette chère fille ne m’aima tant, parce qu’elle me voyait plus à plaindre que jamais ; et moi, je la consolais, je lui faisais mille caresses, et elles étaient bien vraies, car j’étais remplie de sentiment : j’avais le cœur plus fin et plus avancé que l’esprit, quoique ce dernier ne le fût déjà pas mal.

Vous jugez bien qu’elle avait informé le curé de toute notre histoire ; et comme il y a des temps où les malheurs fondent sur les gens avec furie (car on ne saurait le penser autrement), cet honnête homme, en allant voir ses confrères, avait fait une chute six semaines après notre départ, accident dangereux pour un homme âgé ; il n’avait pu se lever depuis, et il ne faisait que languir ; et les fâcheuses nouvelles qu’il reçut de sa sœur venant là-dessus, il tomba