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Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/31

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dans des infirmités qui l’obligèrent de se nommer un successeur, et dont son esprit se ressentit autant que son corps. Il eut cependant le temps de nous envoyer encore quelque argent ; après quoi il ne fut plus question de le compter même parmi les vivants.

Je frissonne encore en me ressouvenant de ces choses-là : il faut que la terre soit un séjour bien étranger pour la vertu, car elle ne fait qu’y souffrir.

La guérison de la sœur était presque désespérée, quand nous apprîmes l’état du frère. À la lecture de la lettre qui nous en informait, elle fit un cri, et s’évanouit.

De mon côté, toute en pleurs, j’appelai à son secours, elle revint à elle, et ne versa pas une larme. Je ne lui vis plus, dès ce moment, qu’une résignation courageuse ; son cœur devint plus ferme : ce ne fut plus cette amitié toujours inquiète qu’elle avait eue pour moi, ce fut une tendresse vertueuse qui me remit avec confiance entre les mains de celui qui dispose de tout.

Quand son évanouissement fut passé et que nous fûmes seules, elle me dit d’approcher, parce qu’elle avait à me parler. Laissez-moi, ma chère amie, vous dire une partie de son discours : le ressouvenir m’en est encore cher, et ce sont les dernières paroles que j’ai entendues d’elle :

« Marianne, me dit-elle, je n’ai plus de frère ; quoiqu’il ne soit pas encore mort, c’est comme s’il ne vivait plus et pour vous et pour moi. Je sens aussi que vous me perdrez bientôt ; mais Dieu le