Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/344

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elle ne pouvait pas tomber en de plus mauvaises mains, et je la remets dans les vôtres. À toute l’amitié que vous m’avez paru avoir pour elle, ajoutez-y celle que vous aviez pour moi, et dont elle est bien plus digne que je ne l’étais. Votre cœur, tel qu’il fut à mon égard, est un bien que je lui laisse, et qui la vengera du peu d’honneur et de vertu qu’elle trouva dans le mien.

Ah ! mon frère, mon frère, que m’allez-vous dire ? lui répondit Mme de Miran, qui pleurait presque autant que moi ; finissons, je vous prie, finissons ; dans l’affliction où je suis, je ne pourrais pas en écouter davantage. Oui, j’aurai soin de Marianne, elle me sera toujours chère, je vous le promets, vous n’en devez pas douter ; vous venez de lui donner sur mon cœur des droits qui seront éternels. Voilà qui est fait, n’en parlons plus ; vous voyez la douleur où vous nous jetez tous ; allons, mon frère, êtes-vous en état de parler si longtemps ? Cela vous fatigue, comment vous trouvez-vous ?

Comme un homme qui va bientôt paraître devant Dieu, dit-il ; je me meurs, ma sœur. Adieu, mon père, souvenez-vous de moi dans vos saints sacrifices : vous savez le besoin que j’en ai.

À peine put-il achever ces dernières paroles, et il tomba dès cet instant dans une faiblesse où nous crûmes qu’il allait expirer.

Deux médecins entrèrent alors. Le religieux s’en alla ; on nous fit retirer, Valville et moi, pendant qu’on essayait de le secourir. Mme de Miran voulut