Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/40

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successeur que je ne connaissais pas, à qui j’étais inconnue, ou pour le moins indifférente. Il n’y avait donc nulle ressource de ce côté-là, et en vérité la tête m’en tournait de frayeur.

Enfin, ce religieux, à force de chercher et d’imaginer, pensa à un homme de considération, charitable et pieux, qui s’était, disait-il, dévoué aux bonnes œuvres, et à qui il promit de me recommander dès le lendemain. Mais je n’entendais plus raison, il n’y avait point de lendemain à me promettre, je ne pouvais supporter d’attendre jusque-là ; je pleurais, je me désolais : il voulait sortir, je le retenais, je me jetais à ses genoux. Point de lendemain, lui disais-je, tirez-moi d’ici tout à l’heure, ou bien vous allez me jeter au désespoir. Que voulez-vous que je fasse ici ? On m’y a déjà pris une partie de ce que j’avais ; peut-être cette nuit me prendra-t-on le reste : on peut m’enlever, je crains pour ma vie, je crains pour tout, et assurément, je n’y resterai point, je mourrai plutôt, je fuirai, et vous en serez fâché.

Ce religieux alors, qui était dans un embarras cruel, et qui ne pouvait se débarrasser de moi, s’arrêta, se mit à rêver un moment, ensuite prit une plume et du papier, et écrivit un billet à la personne dont il m’avait parlé. Il me le lut ; le billet était pressant ; il la conjurait,