Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/41

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par toute sa religion, de venir où nous étions. Dieu vous y réserve, lui disait-il, l’action de charité la plus précieuse à ses yeux, et la plus méritoire que vous ayez jamais faite ; et pour l’exciter encore davantage, il lui marquait mon sexe, mon âge et ma figure, et tout ce qui pouvait en arriver, ou par ma faiblesse, ou par la corruption des autres.

Le billet écrit, je le fis porter à son adresse, et en attendant la réponse, je gardais ce religieux à vue, car j’avais résolu de ne point coucher cette nuit-là dans la maison. Je ne saurais pourtant vous dire précisément quel était l’objet de ma peur, et voilà pourquoi elle était si vive : tout ce que je sais, c’est que je me représentais la physionomie de mon hôte, que je n’avais jamais trop remarquée jusque-là ; et dans cette physionomie alors, j’y trouvais des choses terribles ; celle de sa femme me paraissait sombre, ténébreuse ; les domestiques avaient la mine de ne valoir rien. Enfin tous ces visages-là me faisaient frémir, je n’y pouvais tenir ; je voyais des épées, des poignards, des assassinats, des vols, des insultes ; mon sang se