Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/412

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temps, un malheur pour l’éternité. Vous croirez que je vous parle en religieuse. Point du tout ; je vous parle le langage de la raison, un langage dont la vérité se justifie tous les jours, et que la plus saine partie des gens du siècle vous tiendraient eux-mêmes.

Mais je ne vous le dis qu’en passant, et je n’appuie point là-dessus.

Voilà donc les deux choses que j’ai promis de vous proposer aujourd’hui ; et dès ce soir on doit savoir votre réponse. Consultez-vous, ma chère enfant ; voyez ce qu’il faut que je dise, et quelle parole je donnerai pour vous ; car on demande votre parole sur l’un ou sur l’autre des ces deux partis, sous peine d’être dès demain transférée ailleurs, et même bien loin de Paris, si vous ne répondiez pas. Ainsi dites-moi : voulez-vous être religieuse, aimez-vous mieux être mariée ?

Hélas ! ma mère, ni l’un ni l’autre, repartis-je ; je ne suis pas en état de m’offrir à Dieu de la manière dont on me le propose, et vous ne me le conseilleriez pas vous-même, le cœur, comme je l’ai, plein d’une tendresse, ou plutôt d’une passion qui n’a à la vérité que des vues légitimes, et qui, je crois, est innocente aujourd’hui, mais qui cesserait de l’être dès que je serais engagée par des vœux : aussi ne m’engagerais-je point, le ciel m’en préserve ! je ne suis pas assez heureuse pour le pouvoir. À l’égard du mariage auquel on prétend que je consente, qu’on me laisse du temps pour réfléchir là-dessus.