Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/414

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elle ; je soupçonne que c’est votre réponse qu’on vient savoir. En tout cas, nous nous reverrons tantôt ; j’ai de bonnes intentions pour vous, ma chère enfant, soyez-en persuadée.

Elle me quitta là-dessus, et je revins dans la chambre où j’avais dîné ; j’y entrai le cœur mort ; je suis sûre que je n’étais pas reconnaissable. J’avais l’esprit bouleversé ; c’était de ces accablements où l’on est comme imbécile. Je fus bien une heure dans cet état ; j’entendis ensuite qu’on ouvrait ma porte ; on entra : je regardais qui c’était, ou plutôt j’ouvrais les veux et ne disais mot. On me parlait, je n’entendais pas. Hem ? quoi ? que voulez-vous ? Voilà tout ce qu’on pouvait tirer de moi. Enfin, on me répéta si souvent que l’abbesse me demandait, que je me levai pour aller la trouver.

Je ne me trompais pas, me dit-elle, d’aussi loin qu’elle m’aperçut ; c’est de vous dont il s’agissait, et j’augure bien de ce qui va se passer. J’ai dit que vous acceptiez le parti du mariage, et demain entre onze heures et midi on enverra un carrosse qui vous mènera dans une maison où vous verrez, et le mari qu’on vous destine, et les personnes qui vous le proposent. J’ai tâché, par tous les discours que j’ai tenus, de vous procurer les égards que vous méritez, et j’espère qu’on en aura pour vous. Mettez votre confiance en Dieu, ma fille ; tous les événements dépendent de sa providence, et si vous avez recours à lui, il ne vous abandonnera pas. Je vous aurais volontiers offert d’envoyer avertir Mme de Miran que vous