Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/43

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il jeta un coup d’œil sur moi et puis nous fit asseoir.

Le cœur me battait, j’était honteuse, embarrassée ; je n’osais lever les yeux ; mon petit amour-propre était étonné, et ne savait où il en était. Voyons, de quoi s’agit-il ? dit alors notre homme pour entamer la conversation, et en prenant la main du religieux, qu’il serra avec componction dans la sienne. Là-dessus le religieux lui conta mon histoire. Voilà, répondit-il, une aventure bien particulière et une situation bien triste ! Vous pensiez juste, mon père, quand vous m’avez écrit qu’on ne pouvait faire une meilleure action que de rendre service à mademoiselle. Je le crois de même, elle a plus besoin de secours qu’un autre par mille raisons, et je vous suis obligé de vous être adressé à moi pour cela ; je bénis le moment où vous avez été inspiré de m’avertir, car je suis pénétré de ce que je viens d’entendre ; allons, examinons un peu de quelle façon nous nous y prendrons. Quel âge avez-vous, ma chère enfant ? ajouta-t-il en me parlant avec une charité cordiale. À cette question je me mis à soupirer sans pouvoir répondre. Ne vous affligez pas, me dit-il, prenez courage, je ne demande qu’à vous être utile ; et d’ailleurs Dieu est le maître, il faut le louer de tout ce qu’il fait : dites-moi donc, quel âge avez-vous à peu près ? Quinze ans et demi, repris-je, et peut-être plus. Effectivement, dit-il en se retournant du côté du père, à la voir on lui en donnerait davantage ; mais, sur sa physionomie, j’augure bien de son