Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/432

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Tel était le ministre devant qui je parus. Je ne vous parlerai point de ce qui regarde son ministère ; ce serait une matière qui me passe.

Je vous dirai seulement une chose que j’ai moi-même entendu dire.

C’est qu’il y avait dans sa façon de gouverner un mérite bien particulier, et qui était jusqu’alors inconnu dans tous les ministres.

Nous en avons eu dont le nom est pour jamais consacré dans nos histoires ; c’était de grands hommes, mais qui durant leur ministère avaient eu soin de tenir les esprits attentifs à leurs actions, et de paraître toujours suspects d’une profonde politique. On les imaginait toujours entourés de mystères ; ils étaient bien aises qu’on attendît d’eux de grands coups, même avant qu’ils les eussent faits, que dans une affaire épineuse on pensât qu’ils seraient habiles, même avant qu’ils le fussent. C’était là une opinion flatteuse dont ils faisaient en sorte qu’on les honorât ; industrie superbe, mais que leurs succès rendaient, à la vérité, bien pardonnable.

En un mot, on ne savait point où ils allaient, mais on les voyait aller ; on ignorait où tendaient leurs mouvements, mais on les voyait se remuer, et ils se plaisaient à être vus, et ils disaient : Regardez-moi.